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de renseignements qu’on ne saurait tenir que de Montaigne parce qu’ils sont d’un ordre trop intime pour avoir été consignés par d’autres que par lui. Mais on peut les contrôler, les confirmer ou les rectifier au besoin à l’aide de témoignages étrangers et, replaçant le tout dans son cadre naturel, faire un travail utile pour juger le caractère de l’homme et le génie de l’écrivain.

J’ai cru qu’il y avait place pour un tel livre, écrit pour ainsi dire sur les marges des Essais et destiné à expliquer l’œuvre par l’auteur, comme il s’est vu lui-même et aussi comme il est apparu à ses contemporains. Le lecteur dira si j’ai réussi et si mon ambition n’a pas été trop haute. À défaut d’autres mérites, ce livre aura celui de la sincérité, et, bien que le mot de Montaigne ait trop souvent et parfois trop mal servi, j’ose dire ce qu’il disait des Essais : c’est un livre de bonne foi.

Un pareil travail ne pouvait être mené à bien qu’en tirant profit des recherches de ses devanciers ; j’y ai beaucoup eu recours et je leur dois beaucoup. Mais il semble que l’étude de Montaigne ait été, jusqu’ici, funeste à ses admirateurs. À trop examiner son œuvre, on a pris de lui l’amour des digressions, des détours incessants ; on a battu les buissons à l’entour et fait de bonnes prises, sans songer à réunir, dans une étude générale, le butin épars de tous côtés. Les travaux de détail abondent, disséminés, sans lien entre eux et sans qu’on ait pris la peine de les coordonner.