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Et quand on voit brontin qu’un coup de livre abat,
Un prélat benit tout, et finit le combat.

La catastrophe enfin de ce rare poëme
Paroît aux auditeurs d’une beauté suprême ;
Car ces vaillants heros formant d’autres souhaits,
Laissent là le pupitre, et font d’abord la paix.
Quand l’autheur a fini sa charmante lecture,
Dans toute l’assemblée on n’entend qu’un murmure ;
Mais le grand Apollon d’un ton plaisant et haut
Dit qu’il trouvoit l’ouvrage, et riche, et sans defaut,
Que pour recompenser cet autheur admirable
Il falloit un triomphe aussi beau qu’honorable,
Qu’il aime Lutrigot, et qu’il pretend enfin
Qu’on le mette à cheval sur un vaste lutrin ;
Que monté de la sorte, il ordonne qu’il fasse
Et le tour du palais, et le tour du Parnasse.
Tous les petits autheurs, tous les grands escrivains
En témoignent leur joye, et battent tous des mains.

Vers une galerie, où sont tous les registres,
Estoient comme inconnus deux antiques pupitres,
Qui servoient autrefois dans le docte vallon,
Pour les livres sacrez des hymnes d’Apollon.
On en prit le plus grand, qu’avec beaucoup de peine
On dressa sur un char peind de couleur d’ebene.
Pegaze le tiroit, marchant d’un pas égal.
On mit sur ce lutrin nôtre autheur à cheval.
La marche fut dans l’ordre, et parut assez belle.
On vit d’abord passer une longue sequelle
De poëtes nouveaux, dignes imitateurs
Du sçavant Lutrigot le phenix des autheurs.
Ils crioient tous ensemble, et d’une force extrême,
Vive le roi des vers, et son divin poëme.
En suite l’on voïoit tous les autheurs fameux,
Grecs, latins, et françois, qui marchant deux à deux,
Recitoient, ou chantoient en differens langages
Tout ce que Lutrigot a pris dans leurs ouvrages.
Sur quatre chars parez d’une étoffe de prix
Estoient du triomphant les immenses escrits.
L’un portoit son longin, et son poëme epique,