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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Te dirai-je que je suis resté longtemps, plume en main, cherchant une bonne raison pour lui refuser la permission demandée ? Quand je croyais l’avoir trouvée, voilà que toute ma jeunesse se plaçait entre moi et le non que je voulais écrire et semblait me dire : Tu n’as pas le droit… Il faut avouer que ce service de bastion est fort ingrat. Piétiner perpétuellement cette boue des remparts, surveiller toujours et attendre un ennemi qui ne vient pas, ne rien savoir de la ville que l’on garde et se dire que le siége pourra se passer tout entier de la même façon, cela est une épreuve pour la patience d’un garçon de vingt ans. J’ai donc fini, mais non sans un petit sermon sur le mérite des dévouements obscurs, par l’autoriser à se faire inscrire. En somme, ce nombre de jeunes officiers devra être peu considérable et il est fort probable que Maurice ne parviendra pas à en faire partie, ainsi ne t’inquiète pas avant le temps.

Pauvre femme ! je te plains de toute mon âme, car je sais ce que cet aîné est pour toi. Il semble que tout ceci fasse trop d’angoisses à la fois : rien de vous, rien d’André, peut-être Maurice au feu, et, dominant toutes nos douleurs, la grande douleur de la patrie…