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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Sur un point, cependant, André m’a déroutée. J’avais mon petit plan à moi, en allant au Mans, et ton fils en était l’objet. Je vois tous les jeunes gens de bonne famille devenir le plus aisément du monde officiers dans la mobile ou ailleurs, et j’avais compté employer la bonne amitié du général de K… à faire le bonheur de mon neveu et filleul et à commencer sa fortune militaire. Je trouve le général aussi aimable que jamais, et ne demandant qu’à voir le sujet recommandé pour le combler de faveurs. Je vais à la caserne — quelle caserne ! une écurie où je ne mettrais pas mes chevaux — pour y prendre ton fils. Mais voilà que Monsieur refuse. Monsieur dit que son père désapprouve que les grades se donnent ainsi, Monsieur prétend que sa mère a une répugnance marquée pour les protecteurs et les protections, enfin Monsieur affirme que la position sociale de caporal comble déjà tous ses vœux, et que ses fonctions (il faisait balayer par ses subordonnés une cour qui en avait, certes, besoin) sont entièrement selon ses goûts. Ce qui me vexe, chère sœur, c’est que tu trouves cela beau, j’en suis sûre, tandis que moi, je trouve cela absurde. Je l’ai dit tout aussi crûment à ton fils, qui n’a fait qu’en rire. J’ai voulu, pour sa peine, qu’il eût lui-même l’ennui de refuser le général ; il m’a accompagnée de bonne grâce et s’est tiré d’affaire avec une aisance et une convenance parfaites : un vrai gentleman en pantalon