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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

et j’espère que Paris tiendra assez longtemps pour permettre aux armées de secours de se lever.

Vous figurez-vous, enfants, André délivrant Maurice et papa ? et la famille se retrouvant entière dans la patrie affranchie ? Ce serait beau, n’est-ce pas ? Que n’a-t-on le loisir d’oublier la réalité dans la vision d’une telle joie !

La réalité est sévère. Déjà la vie est difficile, parce qu’il n’y a plus de travail, que tout est cher et que les secours ne peuvent pas s’organiser aussi rapidement qu’il le faudrait. Les réfugiés des environs de Paris sont les plus à plaindre. La plupart d’entre eux ont le cœur partagé — comme moi, — puis la vie matérielle est plus difficile pour eux que pour d’autres. On les case dans les maisons en construction ou les appartements vides. Les meubles les plus indispensables leur manquent, on dirait d’immenses campements de Bohémiens. Cela ait grand’pitié, puis c’est vers l’hiver que nous marchons…

Mais quelque chose qui fait du bien au cœur, c’est le mouvement de charité qui semble commencer. Ou je me trompe fort, ou nous verrons de belles choses, et qui sait si l’épreuve dans laquelle nous entrons n’aura pas pour fruit digne de sa grandeur l’initiation de notre peuple au dévouement et au sacrifice ? Dès à présent les efforts sont sérieux et l’on dirait que l’argent prend enfin sa vraie place : de maître, il devient serviteur. Qu’il s’agisse de défense