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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

commence une séparation grosse de dangers et dont on ne prévoit pas la durée.

Sans les petits, je ne sais comment maman aurait supporté le dernier moment, le dernier baiser dans la cour ; mais Marguerite et Robert semblaient plus étonnés de voir que papa ne prenait pas le chemin de fer et allait à cheval à Paris que de toute autre chose. Leur surprise et leurs exclamations ont fait une diversion salutaire. François accompagne papa jusqu’à Survilliers et reviendra nous donner des nouvelles de cette partie du voyage qui est la plus dangereuse — car, il faut te le dire, et c’est cela qui a décidé mon père à se hâter, les Prussiens sont à Mortefontaine !

Oui, mon pauvre André, ils y sont ! cela nous les promet ici pour demain ou après-demain. Leurs uhlans peuvent avoir atteint déjà la route de Paris, notre crainte est que mon père ait trop attendu et qu’il les rencontre ! Il se fie à son brave Stanley. — François n’est pas si bien monté, mais il est tout résigné à se laisser prendre. On lui a loué un cheval pour cette expédition, car notre cavalerie est maintenant réduite au vieux poney et à l’objet que tu appelles impertinemment — la rosse du jardin.

Le départ de mon père avait mis le village en émoi, on l’attendait sur la place pour le voir passer. Leblanc, qui, courant à travers bois, avait apporté la nouvelle de l’entrée des Prussiens à Mortefontaine,