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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

verrait celles d’un être aimé, adoré. Le respect pour la France ne le quitte pas plus que l’amour ; il regrette, il blâme, il aime, il espère, il va combattre ! et nous qui l’écoutons, nous nous sentons toujours mieux unis à cette douce patrie si mal servie, si mal aimée.

Je te quitte pour les leçons de Robert. Le pauvre garçon n’est guère en veine de travail. À chaque coup de sonnette, il court à la fenêtre pour apercevoir l’arrivant et juger à sa mine s’il apporte des nouvelles. Nous vivons dans une fièvre que tu peux concevoir. Qu’est-il échappé de nos troupes ? Aura-t-on de quoi tenir la campagne sous Paris ? Voilà, selon papa, la grande question du moment, et l’on espère toujours quelque dépêche qui nous apprenne sur quoi l’on peut compter.

Le seul point lumineux de notre horizon, c’est Maurice. Il gagne à la résolution de papa ce que nous y perdons, aussi écrit-il des lettres si joyeuses et si triomphantes que maman retrouve un sourire en les lisant.

9 septembre.

Grand émoi hier, comme je finissais ma lettre. Une quarantaine de cavaliers français défilaient sur la grande route. François rayonnait : — « Monsieur, disait-il, c’est bien sûr des éclaireurs, on envoie des