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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

un peu… très… mécontent. Croyez, monsieur le comte et madame, que j’ai dit tout ce qui m’a été possible… Je suis désolé quand le prince fait des choses pas bien… Quand le prince a pris la chambre de madame la comtesse, c’est qu’il avait froid et il y avait beaucoup de feu dans cette chambre-là…

— Je ne pense plus à ma chambre, monsieur, répondis-je ; les procédés du prince de *** le regardent, c’est à nous à avoir soin des nôtres. Advienne que pourra ! je ne puis pas aller lui servir le café, mais je vous suis très-reconnaissante de vos bonnes intentions. »

Il parut un peu soulagé.

« Ah ! madame ! c’est que tout ce qui se passe me fait beaucoup de peine. Je voudrais, et d’autres aussi, voir moins de haine dans la guerre. Mon nom est français, madame, mes aïeux ont habité Rouen, puis votre roi Louis XIV les a chassés à cause de leur religion et cela nous a faits Allemands ; mais je ne veux pas de mal au pays d’où vient ma famille et je sais bien que cette guerre-ci est très-durement faite. »

Le pauvre homme se hâta de retourner à son prince et à ses compagnons.

Nous ne tardâmes pas à nous apercevoir qu’il avait peu d’influence sur eux. Un bruit effroyable nous avertit que les convives quittaient la salle à manger, le grand salon fut brusquement ouvert, la lumière pénétra jusqu’à nous à travers le store baissé, qui