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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

— Oh ! ne dites pas cela ; c’est si bon de se sentir utile, de consoler ! Vous savez, ajouta-t-elle, que je n’ai pas à me plaindre de mon lot en ce monde ; eh bien, c’est ici que j’ai connu les meilleures joies. »

Et deux grosses larmes ont coulé sur ce visage si jeune encore et d’ordinaire si gai, qu’on n’aurait jamais songé à l’associer au ministère lugubre qu’elle venait de remplir.

D’autres femmes de tes amies me le disaient aussi : « Avec toutes ses douleurs, c’est cependant un hiver qui sera béni pour nous. Les souffrances sont horribles à voir et il nous semble que nous n’oublierons jamais certains spectacles, mais du moins on combat contre le mal et la souffrance, et l’on sent qu’on les diminue en une certaine mesure. Et puis nous vivons pour la première fois comme Dieu veut que l’on vive, il n’y a pas de partage difficile à faire entre le monde et notre œuvre, tout est à elle. Et combien de gens nous aimons maintenant que nous n’aurions jamais connus ! Nous n’aurions jamais cru qu’il y eût tant de bon dans notre peuple. Nous avons beaucoup appris. »