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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

que la libre sortie n’eût été offerte aux femmes, aux vieillards et aux enfants. Malgré sa surprise, la population reste très-ferme : ni effroi, ni stupeur, ni colère, ni agitation d’aucune espèce.

Si l’on analysait le sentiment général, il s’en dégagerait peut-être une certaine satisfaction de voir que l’ennemi juge nécessaire de déployer tous ses moyens pour nous réduire. Les haineux, ou du moins ceux qui s’efforcent de l’être, se déclarent enchantés que la Prusse endosse une infamie de plus. — Hélas ! cela peut bien consoler sur la rive droite, où les bombes n’arrivent pas, mais cela ne console pas sur la rive gauche, là où un pauvre petit, dans sa chambre, vient d’être affreusement mutilé par le même projectile qui tuait à côté de lui son père et sa mère. Cela ne console pas ceux qui aiment l’âme humaine pour elle-même et quel que soit l’uniforme dont on habille son enveloppe. Infamies prussiennes ! dit-on, mais qui en souffre, sinon l’humanité tout entière ? Elle croyait au progrès, à la civilisation, à la lumière, et elle ne sait plus où elle en est. Qui en souffre ? sinon l’idée chrétienne. L’idée chrétienne doit changer la face du monde, et elle la changera ! ma foi reste entière ; mais malheur à ceux qui arrêtent son œuvre, foulent aux pieds ses conquêtes et retournent de gaieté de cœur à la barbarie !

Je ne serais pas surpris que l’impatience gagnât la

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