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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

aussi confortable qu’ils sauraient rendre leur prison flottante. Dans tous les détails on sent le goût et l’habitude de l’arrangement. Maintenus occupés, les marins ne connaissent pas l’ennui, et sont préservés des mille tentations auxquelles céderaient des hommes oisifs. Ils ne s’absentent pas, ne s’enivrent pas, et non-seulement sont soumis à leurs chefs, mais encore savent mettre de l’entrain dans leur obéissance. Maigre leur supériorité reconnue sur tous les autres corps employés à la défense de Paris, ils sont généralement aimés, et je crains seulement qu’ils ne finissent par être gâtés par l’opinion, en même temps que trop employés par les chefs. C’est une tentation très-naturelle que celle de les réclamer un peu partout ; avec eux on n’a à craindre ni défaillances ni maladresses, on sait que le possible sera fait.

En somme, l’exemple des marins est excellent. Quand il s’agira de la réforme de l’armée, je voudrais qu’on étudiât la manière dont s’est établi l’ascendant des officiers de marine sur les matelots. Je crois que le respect pour les connaissances de l’officier y est pour beaucoup. L’officier de marine sait incontestablement des choses qu’ignore le matelot et dont celui-ci comprend l’importance ; dans l’armée de terre, nos jeunes lieutenants, pour ne pas parler des grades supérieurs, sont trop vite percés à jour par leurs subordonnés intelligents. L’autorité est factice,