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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

forte, il est vrai que l’on pensait de même des positions du Mans ! Mais c’est si douloureux de rencontrer quelque part, dans une école ou une gare, une carte de France ! Cette longue fuite vers l’Ouest, ces départements abandonnés peu à peu, ces villes laissées l’une après l’autre aux outrages des victorieux, cela vous saisit le cœur tout à nouveau et il prend un ardent désir qu’une bonne fois on se décide à vaincre sur place ou à se faire tuer sans aller plus loin.

En attendant, nous nous retrouvons quelque peu les uns les autres. Mon vieux 39me de marche, mon premier régiment, est ici, mais il a beaucoup souffert. La division Curten est arrivée hier ; elle a pu se dérober depuis Château-du-Loir et n’a qu’à peine combattu, aussi est-elle déjà mise en avant-garde. On a de bonnes nouvelles de Bourbaki dans l’Est, et Paris, ce pauvre cher Paris auquel on n’ose presque plus penser depuis qu’on en est si loin, tient admirablement. Nous mettons tout ensemble pour nous en refaire une espérance. Écrivez-moi, chère maman, j’ai tant besoin que vous me consoliez !