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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

le canon derrière, le canon de l’ennemi. Par ici une batterie, par là une autre… et voilà les officiers qui, pour couvrir la route et laisser écouler cette foule, se démènent, retrouvent des artilleurs, ordonnent des épaulements, ramassent vingt cavaliers et les lancent à la découverte. Et puis ils appellent à eux ce qui reste encore de braves gens : Venez vous faire tuer, allons ! un peu de bonne volonté ! — Pour un demi-cent qui vient, il y en a un cent qui jette les fusils, de peur d’être obligé de rester pour s’en servir. Et comme cela, c’est toujours les mêmes qui se battent, et il n’y a plus de tués que les braves gens.

Or, j’en préviens madame pour ma conscience, M. André n’est point fait pour être laissé dans ces situations-là. Faut croire que c’est plus fort que lui, il s’arrange pour être toujours où on se fusille. Madame a su comme c’était dans la Beauce ; maintenant que le voilà capitaine, ça a encore empiré. D’abord il n’a plus un moment pour souffler, il parle à ses hommes et les décide quasiment à faire comme lui, il est toujours en souci pour que chacun ait ses cartouches ou son eau-de-vie quand il y en a, ou son pain ; ça lui a ôté les petits moments de relâche qu’il aurait pu avoir ; et c’est tous les jours qu’il fait ce chien de métier et toutes les nuits, depuis le 9 du courant. Croit-on que c’est une vie à le remettre de la forte maladie qu’il a eue à Vendôme ? Et le pire, c’est encore le chagrin qu’il se fait de ce qui se passe

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