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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

les vives instances de maman, à les laisser chez nous. Les pauvres gens désiraient nous rester ; je n’ai pu les voir, mais leurs camarades m’ont dit plus d’une fois quelle joie ils avaient eue qu’on ne les emmenât pas.

Ces camarades sont tout surpris du dévouement de maman, qui passe des demi-journées entières entre ces deux lits empestés et a, pour ces pauvres gens, les attentions et les prévenances qu’on n’a jamais, disent-ils, que pour ses propres enfants. Je crois d’ailleurs que la société de ses malades est la meilleure consolation de maman.

Une des grandes souffrances de cet hiver a été pour elle de vivre, sinon en hostilité, du moins en froid, avec ceux qui l’entouraient ; elle a combattu constamment contre sa nature bienveillante, qui lui fait d’ordinaire une tâche personnelle du bonheur et du bien-être de chacun. Maintenant elle répare cet arriéré, elle se retrouve elle-même, elle comble ses malades prussiens. Mon père ne l’a-t-il pas dit ? « L’homme prussien malade ou blessé est seulement un homme à secourir. » Aussi ceux-là sont-ils secourus et plus que secourus, ils sont aimés.

Maman feuilletait tout à l’heure ses albums de portraits, puis fouillait ses tiroirs sans paraître trouver ce qu’elle cherchait.

« N’as-tu pas le portrait de Maurice en uniforme ? me demanda-t-elle. Je l’avais et allai le lui chercher