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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

pigny, tout est noir et menaçant. Mon père assure que lui et Maurice vont bien, mais il nous cache certainement ses privations, et ce qu’il avoue de son chagrin de ne pas recevoir de nouvelles, torture maman. C’est devenu une fièvre que son besoin d’écrire à mon père ; sans relâche, elle cherche des moyens de communiquer avec lui. Le Times, les ambassadeurs étrangers, les francs-tireurs, l’Angleterre, la Suisse, l’Amérique, même l’Allemagne dans la personne de notre vieille bonne hanovrienne, sont mis à contribution. Et vous, père et frères, causes de toutes ces angoisses, vous êtes encore les seuls par qui elle puisse être heureuse !

« Quel bonheur que mes frères soient braves ! lui disait hier Robert, n’en êtes-vous pas contente, maman ? »

Notre mère a eu un mouvement qui ressemblait à de la joie, son front s’est éclairé, et embrassant Robert :

« Tu as raison, a-t-elle dit, et ta maman a tort d’oublier ce bonheur, mais je voudrais tant que ton père sût comme André se conduit bien ! »

Où elle est toujours la même, notre pauvre mère, c’est auprès des malades. Deux des soldats prussiens ont été pris assez subitement de la petite vérole pour que leur major, homme très-dur au fond, et qui ne permet jamais que les Allemands soient soignés ailleurs qu’à leur ambulance, ait consenti, d’après