Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

242
UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

réveillé le Français pour le cacher dans un grenier. Par malheur son sac avait été oublié, il fut aperçu ; les Allemands cherchèrent si bien qu’ils découvrirent le malheureux.

Ils en voulurent faire un exemple, un exemple après tant d’autres ! Le pauvre garçon s’indigna d’abord, il allégua sa qualité de belligérant ; ses papiers étaient en règle, il les produisit ; il parla de rançon, pria, supplia, le tout en vain.

Au matin, quand il se vit emmené dans la cour, il comprit que son heure était venue ; et en un moment il sut prendre son parti et faire honorer son dernier soupir.

« Vous me regarderez jusqu’au bout, demanda-t-il au fermier et sa femme, d’abord pour mon père, et puis pour que les camarades aussi sachent que je ne leur ai pas fait honte. »

« Pauvre enfant ! disait la fermière, il était tout pâle, mais on voyait son envie de bien faire ! Il s’appuya au mur, regarda fixement les soldats allemands au visage, et fit un grand signe de croix — comme cela — puis il lança son képi en l’air en criant : Vive la République !… Mais les coups étaient déjà partis, il tomba, la face à terre. Voyez, monsieur, c’est là qu’ils l’avaient placé. »

Et elle me montrait une encoignure de muraille. — Je vis que le crépi avait sauté en plusieurs endroits ; à la hauteur même de mes yeux, une balle restait