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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

M. Richard eut seul l’énergie de s’informer « si l’ennemi était encore dans les environs ?

— Sans doute, on l’avait vu la veille.

— Savait-on où il était allé ?

— Non, mais la route par Monthodon devait être libre jusqu’à Saint-Laurent, c’est par là que nous devrions aller, quitte à rabattre sur Château-Renault si nous apprenions à Saint-Laurent que cette partie du pays fut débarrassée. »

J’avoue que j’entendis cela comme dans un songe, je me liais à notre brave dentiste, et dormais aux trois quarts.

Ce matin au petit jour, nous étions sur pied. Se trouver tout habillé en s’éveillant a encore pour moi, malgré l’habitude que j’en ai prise, un certain charme qui vous prouve quel paresseux votre fils est resté. Nous n’avions pas de temps à perdre ; cependant les murs écroulés, les carreaux brisés, les traces de balles aux murs, me rappelèrent l’histoire du franc-tireur fusillé, et je la demandai à une femme triste et languissante qui nous avait reçus.

Hélas ! les choses s’étaient passées là comme ailleurs. Un très-jeune homme, fils d’un notaire de la contrée, engagé dans les éclaireurs de la Sarthe, avait, un soir, cédé à la fatigue et s’était obstiné à passer la nuit dans cette ferme tandis que ses compagnons se retiraient plus loin. Dans la soirée, des coureurs allemands avaient paru, en hâte on avait

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