Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

239
UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

dernier printemps, il a fait faire une caisse plate pour emporter tous ses plans et qu’ils ne soient pas froissés. À dire vrai, nous avons ri de cela.

— Eh bien ?

— Eh bien, il y a cinq semaines, au premier passage, c’est lui qui menait les Prussiens.

« Il m’a reconnu et m’a voulu donner la main, le gueux ! ‹ Eh, Mathieu, qu’il m’a dit, c’était pas tant du papier perdu, que mes dessins. Tu vois à quoi ça sert. Nous y sommes les maîtres chez vous autres, pas vrai ? ›

« Et il montrait aux officiers comme ils pouvaient arranger leur monde ; où se trouvait le bois, où la poterie, qui est l’endroit où l’on garde les moules, ce qui est le plus précieux d’une verrerie ; enfin, il faisait tout comme chez lui.

« Alors je me suis dit : Ça ne peut pas rester comme cela. Il n’y a plus de travail ici puisqu’il n’y a plus de bois, le patron est parti rapport à sa dame, je suis veuf, voilà ma fille quasiment élevée, j’ai servi dans le temps ; en avant pour la guerre ! S’il y a une justice, c’est pas possible que des effrontés traîtres comme ceux-là aient toujours la chance pour eux. J’ai mis la même chose dans la tête de Goubaut, mon servant, et le voila tué de ce matin, pauvre garçon ! C’est assez de chagrin pour moi tout de même, allez ! »

Encore cent pas, et notre éclaireur de la Sarthe,