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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

à l’un de ses captifs de marcher à sa suite, comme un apprenti négociant le pourrait faire.

Je n’oublierai jamais les délices de cette première bouffée d’air pur, d’air libre, en pleine campagne ; ni ces premiers pas sous le ciel de Dieu, dans mon pays. Je n’avais pas marché au grand air depuis l’attaque du parc de Goury, à la bataille de Loigny, le 2 décembre. Aussi j’ai rendu grâces de tout mon cœur et de toutes mes forces. Seulement, c’était si nouveau pour mes jambes qu’elles n’étaient qu’à moitié solides. Nous avons alterné avec l’un des camarades, le varioleux n’a pas eu la permission de se montrer.

Les tricots sont très-recherchés, sans doute à cause de ce froid. Les paysans nous voyaient passer et venaient à nous ; nous ne pouvions nous débarrasser des chalands. Moins nous avions envie de vendre, plus ils montraient de désir de nous acheter. M. Richard se tirait très-bien d’affaire.

À Sasnières, on répondit à ses questions que Lavardin était occupé par les Prussiens, aussi Saint-Amand, mais que la route de Montoire à Château-Renault devait en être débarrassée. Cela nous convenait ; nous prîmes à travers la forêt qui s’étend de Sasnières à Saint-Martin-des-Bois, expliquant au public que nous voulions préserver nos tricots de servir à l’envahisseur, et gagner aussi sûrement que possible la France française.