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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Il fut un peu soulagé quand son laisser-passer eut été demandé, examiné, puis rendu. Il avait donc l’air d’un vrai marchand ! D’ailleurs, on quittait les dernières maisons ; nous ne devions plus nous attendre à rencontrer que des patrouilles.

Tout alla bien une heure durant ; mais la frayeur de M. Richard subsistait toujours et il ne nous permit pas de sortir de notre terrier. Nous suffoquions pourtant, et le voisinage d’un varioleux, si convalescent qu’il fût, me faisait bénir votre prévoyance, chère maman, de m’avoir fait revacciner au Mans. Je voulus une fois me révolter et sortir de là, mais des fers de chevaux résonnaient sur la terre durcie ; c’était un peloton de uhlans qui passait.

Je ne comprends pas que l’on ne se soit pas douté de quelque chose, à la peine que devait avoir le pauvre petit cheval. Trois gaillards de ma taille sont autrement lourds que des tricots ; les ressorts, peu habitués à un pareil poids, touchaient au moindre caillou.

À la hauteur d’un village qu’il a nommé Villérable, M. Richard nous prévint à demi-voix que nous allions quitter la grande route et que notre objectif apparent serait Lavardin. Continuer sur la route de Cours nous exposait à des rencontres et à des soupçons, puisque les troupes françaises devaient être quelque part sur le chemin entre Tours et nous.

Encore une demi-heure de patience, et il permit