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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

malades, disait-il, faisant grand feu et le disposant de façon à ce que la fumée se fît voir longtemps. À neuf heures, il quitta sa maison, mit la clef dans sa poche et s’en vint tout doucement nous rejoindre.

Il y avait près de nous, sous le hangar, une de ces longues voitures qui servent de boutique aux marchands ambulants. Celle-là contenait des tricots de laine de toutes sortes ; elle avait la prétention d’offrir au public deux étalages, c’est-à-dire que des planches formaient dos d’âne au milieu ; on rangeait les bas et les camisoles sur chacune des pentes, en dessous un double fond permettait de placer les paquets de réserve, au bord du toit pendaient de grosses pelotes de laine reliées ensemble par d’élégants festons formés de cache-nez. Un cheval tirait le tout, un gros bonhomme menait d’ordinaire le cheval et faisait l’article. Tels étaient les éléments de notre salut.

M. Richard, qui connaissait le marchand ambulant pour lui avoir enlevé ou posé des dents, je ne sais lequel, avait obtenu de lui qu’il lui vendît tout son attirail (j’ai remboursé la moitié et compléterai plus tard la somme), puis qu’il prît comme pour lui-même un permis de circulation de l’autorité militaire prussienne. À cela s’était bornée la bonne volonté du bonnetier. Il ne voulait pas nous accompagner, nous trouvant une société par trop compromettante. M. Richard devait jouer le rôle du marchand ; pour