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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Cette nuit, sera imprimée une proclamation de Trochu à la population, et une autre du général Ducrot aux soldats, annonçant que l’heure est venue de briser le cercle foudroyant qui nous étreint, ou de périr. Je crois que les deux proclamations sont bonnes. Elles sortent de cœurs honnêtes, et l’appel au secours de Dieu, par lequel l’une et l’autre se terminent, m’a plu. Il faut plus de courage que jamais pour se réclamer de Dieu depuis que Guillaume a si misérablement profané ce nom ; et pourtant, pas plus là qu’ailleurs, l’abus ne devrait faire condamner l’usage.

Puisque cette lettre ne partira pas avant que je ne sache l’action terminée et Maurice rentré sain et sauf, je puis t’avouer que Ducrot l’a choisi et qu’il est parmi les officiers commandés pour la sortie. Que veux-tu ? Cela devait arriver une fois ou l’autre, et si tu avais pu voir la physionomie joyeuse avec laquelle il a pris congé de moi déjà hier, tu aurais jugé, pauvre femme, que le retenir n’était pas possible. D’ailleurs, c’est son devoir, et nous ne voulons pas, n’est-ce pas ? lui en barrer le chemin,

Dès que j’ai pu prévoir que l’ère des sorties allait s’ouvrir, j’ai tenu à lui faire emmener chez lui et monter habituellement mon brave Stanley. Tu te souviens comme j’ai pris soin d’accoutumer mes chevaux à tous les bruits et à toutes les surprises ? Que de coups de fusil n’avons-nous pas tirés dans l’écurie même !