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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

du fourneau de la cuisine. Le canon tonne toujours, les obus sifflent par-dessus nos têtes et éclatent plus loin, les coups de fusils sont devenus rares. Il paraît que l’horizon du côté de l’attaque étincelle de feux de bivouacs, que des fermes brûlent… Je n’y vais pas voir, j’ai assez, j’ai trop d’horreurs pour un jour.

Adolphe soutient près de moi un pauvre mourant qui souffre cruellement ; je veux te dire bonsoir, puis le remplacer.

Ma sœur ! pauvre mère ! trois jours de bataille et ne rien savoir d’André !

Quelquefois une pensée surgit en moi : je rêve qu’il est peut-être tout près, dans ces ténèbres, perclus de froid et appelant au secours… Oh ! que Dieu ait pitié de toi, de lui, de nous !

4 décembre.

De ce matin, nous commençons à comprendre ce qui a pu se passer. Nos blessés ont repris un peu de voix pour dire ce qu’ils ont vu ; les vainqueurs viennent au-devant d’une curiosité que nous essayons de leur cacher, car apprendre notre désastre de leur bouche c’est en souffrir deux fois.

La grande canonnade d’avant-hier, 2, était une vraie bataille qui a été presque une victoire. Jusqu’au soir nous avons eu l’avantage, acheté par de grandes