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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

3 décembre,

Il ne faisait pas encore jour ce matin, quand un coup de pistolet a retenti sous ma fenêtre. Je me suis hâtée, mais quand j’entrai dans la cuisine, Adolphe et Roland y étaient déjà, guidant vers la chambre la plus proche deux hommes à grosses bottes qui en portaient un troisième. J’ai lu sur les visages ce que tu sais déjà, ma pauvre chère sœur, la défaite, la déroute, le dernier coup enfin ! Le blessé était un officier ; ses deux hommes avaient eu mille peines à le maintenir sur son cheval, passant dans leur fuite devant une grande maison, ils s’étaient servis de leurs pistolets pour appeler, leur officier n’en reviendrait pas ; maintenant qu’il était soigné, ils pouvaient prendre le large.

« Son nom ? » a dit Adolphe, et il l’a écrit. Je n’aurais pas songé à cela.

Je lavais avec de l’eau tiède la pauvre figure mourante de notre hôte, qui ne parlait pas, ne gémissait même pas, et tandis que ma main allait de la cuvette au visage blême, un mot, tout seul, tintait constamment à mes oreilles, et tout ce que j’avais de pensée était tendu à l’écouter : Vaincus ! vaincus ! vaincus encore !

Je crois qu’Adolphe disait qu’une balle à la tête