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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

lueurs rouges et de la fumée ; on pense que ce sont des fermes qui brûlent. Eh bien, je n’ai plus peur, seulement une grande angoisse, comme une étreinte qui me tient le dos et la gorge.

Ce canon, qui semble parfois se rapprocher tout à coup, ne cessera-t-il pas ?

Nous détachons les rideaux de coutil du rez-de- chaussée pour faire des bandes, ces messieurs montent eux-mêmes de l’eau au grenier pour remplir tout ce qu’on possède de tonneaux afin d’être prêts en cas d’incendie. Je supplie les fermières de pétrir toutes deux, m’engageant à payer la cuite en cas de prise. Il faudra bien avoir du pain si l’on amène des blessés.

Adolphe me trouve très-brave et m’embrasse en passant. Il me demandait pardon tout à l’heure de m’avoir laissée venir, mais je l’ai vite fait taire. Je ne me sens pas assez ferme pour que la pensée de ce cher Thieulin, où nous pourrions être à cette heure si tranquilles, ne soit pas un danger pour moi : nous nous attendrirons plus tard. Heureusement que j’ai fort à faire, puis ce pauvre Roland semble si soulagé de nous avoir !

Quatre heures du soir.

Nous ne pouvions plus supporter notre ignorance du sort du combat. À gauche la canonnade s’était éloignée, ce qui semblait bon signe, mais on entendait quelques