Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

177
UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

la fortune, dès le soir même de Coulmiers. Cinq mille Bavarois, en se retirant, lui arrivèrent à la fois ; ils se logèrent au château, dans les fermes et les étables. Ne trouvant plus de bois à brûler, ils arrachèrent les volets, scièrent les arbres du parc et brisèrent les chaises pour avoir de quoi faire flamber ce bois vert. Il fallut trois cents moutons pour un seul repas, et tout ce troupeau fui égorgé et dépouillé devant le château, sur la neige, qui resta rouge pendant bien des jours.

Le lendemain, les Allemands partirent, mais avec tous les chevaux, toutes les vaches, toute la volaille, toute la farine des deux fermes ; cela était-il un des droits de la guerre ? je ne le sais. Ce qui ne l’était certainement pas, c’était l’enlèvement, de meubles et d’objets qui ne pouvaient leur servir en campagne. La rafle la plus complète avait été faite en un tour de main. Quand, à dix heures du matin, le dernier Allemand eut disparu du côté du village, Roland et ses deux fermiers se regardèrent consternés ; puis, sans mot dire, chacun s’en alla faire la visite de son logis espérant au fond du cœur que ceci ou cela aurait échappé ; mais non, il n’y avait plus rien chez aucun d’eux. Pas une pièce de linge, pas un couvert, même de fer battu, pas un morceau de pain, pas une bouteille de vin, pas un vêtement de rechange. Les meubles avaient été enlevés ; les portes et les armoires étaient en pièces ou brûlées ; même des