Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

164
UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

tobre, l’ambulance avait été envahie par des fiévreux. Le 7 novembre, un dragon nommé Pierredon y entra, et peu après un autre soldat du même régiment et presque du même pays. Pierredon avait une fièvre typhoïde bien caractérisée ; son camarade en fut quitte pour la peur, et aussitôt mieux, fut employé comme infirmier. Pendant ce temps-là, Pierredon allait de mal en pis, la poitrine se prenait, il demanda qu’on écrivît à ses parents, petits fermiers dans ce charmant pays de Villedieu dont vous vous souvenez sans doute, chère maman, nous l’avons traversé en allant à Saint-Lô et au mont Saint-Michel. D’après la lettre, ses parents devaient partir immédiatement pour le revoir. Le pauvre garçon avait mis tout son cœur à ce revoir. Son frère cadet avait été tué à Gravelotte ; s’il lui fallait mourir aussi, il ne resterait plus qu’un fils tout enfant à la maison. Comme aîné, il avait eu part à la direction de la ferme, et il s’en inquiétait beaucoup. Outre le désir de voir père ou mère, il avait la préoccupation constante des mille choses qu’il voulait dire et conseiller.

On avait écrit le 30 novembre, et deux jours après le camarade infirmier fut renvoyé au pays, je ne sais plus pour quelle cause. En traversant Villedieu pour se rendre à son village, il entra chez les parents de Pierredon. Il trouva tout en l’air, la mère allait partir on se hâtait, et avec quelle douleur, vous le pouvez comprendre. L’ex-infirmier fut ému de la vue de ce