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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

tonne à fond chamois dont tu peux te souvenir, et les ont laissés ainsi après les avoir tous souillés de leurs infâmes ordures. Il est bien entendu que les caves sont vides partout ; mais cela, en somme, n’est qu’un détail, et il faut pourtant leur rendre la justice de dire qu’ils ont, de nos côtés, épargné les personnes. Certains cantons ont été moins favorisés. Tu sais qu’un ami d’Adolphe, M. Barral, habite près de M…, il est commandant de la garde nationale. À M…, comme ailleurs, on remit les fusils à la mairie à l’approche des Prussiens, mais, par malheur, ceux-ci trouvèrent avec les fusils le registre d’inscription des gardes nationaux et imaginèrent de les rechercher pour les envoyer dans l’Est comme prisonniers de guerre. M. Barral fut des premiers arrêtés, il parle allemand, et essaya de réclamer contre une telle violation du droit des gens. Aucun fait ne pouvait classer un seul de ces prudents gardes nationaux parmi les belligérants. On lui répondit en l’avertissant qu’on ne s’inquiéterait pas du droit des gens, qu’ainsi il dût être prêt à partir avec les autres le lendemain matin pour la frontière. Tu peux imaginer la terreur de Mme Barral et la désolation qui régnait dans tout le village.

Enfin le commandant prussien parut s’attendrir, et prévint Mme Barral qu’il laisserait son mari libre moyennant 25,000 francs espèces. M. Barral consulté répond qu’il ne les a pas, mais qu’il pourrait peut-