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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

abattus par terre. On voit çà et là les traces des feux des campements des réfugiés ; mais eux-mêmes, las de leur vie misérable, sont retournés peu à peu dans leurs maisons ; ils n’avaient plus de raison pour prolonger cet exil qui n’a pas même sauvé leurs troupeaux. C’est triste de trouver ainsi, à chaque pas, ces débris qui parlent de misères et d’angoisses.

Nos chers bois, avec leurs vallons tapissés de muguet au printemps, leurs collines couvertes de bruyères lilas en automne ; nos chers bois, si pleins de nos plus gais souvenirs d’enfants, les voilà souillés, profanés, condamnés à nous rappeler toujours maintenant des douleurs et des ruines !

Et ce n’est pas tout, il a fallu y subir encore la présence de l’ennemi.

Comme nous nous rapprochions du poteau d’Anleu, nous avons aperçu une ligne de soldats à casquettes plates battant le bois du Biat, pour la plus grande satisfaction d’une dizaine d’officiers qui attendaient le gibier au passage. Cela nous a inquiétés pour notre pauvre Lorrain. Nous n’étions plus bien loin de sa retraite, François s’est glissé sous bois de ce côté-là, tandis que nous nous asseyions pour goûter. Un quart d’heure après, François revenait, notre protégé avait disparu ; sans doute l’invasion des chasseurs lui avait fait prendre la fuite. François espère qu’il n’a pas été découvert, car les buissons qui entouraient sa cachette n’avaient pas été froissés.