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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

grâce à la pluie torrentielle que nous avons depuis deux jours. L’officier a demandé à déjeuner dans la salle à manger, ses hommes en bas. On leur a fait rôtir des canards ; l’un d’eux en a pris un et l’a fourré tout entier dans sa poche ; puis ils ont demandé du vin, une bouteille par homme. Marie avait maladroitement laissé la porte de ma réserve ouverte ; ils ont pris toutes les bouteilles de sirop qui s’y trouvaient. Pendant ce temps, je causais avec l’officier : « Triste, triste guerre, disait-il ; je suis de Cassel ; j’ai une femme et quatre enfants. » Un de ses soldats, qui parlait très-bien français, disait à Adolphe : « Nous serons bientôt à Paris et tout cela sera fini. » Vous n’y êtes pas encore. « Bien près, nous y serons à Noël. »

Peu après, on a averti l’officier que ses hommes étaient partis, emportant une nouvelle provision de bouteilles. Il a couru pour les rejoindre. Cependant huit nouveaux cavaliers arrivaient. Il leur a fallu du pain, du sirop et du vin, une bouteille par homme. Je leur ai offert du cidre : « Non, non, ont-ils dit, médecin défend. Mauvais pour l’estomac. » Un jeune soldat tout seul a paru ensuite. Il est entré, a fureté partout et s’est contenté de sirop. Tout le pain de la maison avait été enlevé. Thomas, que j’avais envoyé en chercher à Frizay, n’en avait pas trouvé ; on en demanda à nos fermiers ; ils avaient été traités comme nous-mêmes. Personne n’en avait. Enfin la