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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

troupes eussent ordre de se retirer ; il jura qu’il ne reculerait pas. Le lendemain matin, il était seul à son poste.

Nous arrivâmes ici sans encombre, et le soir les domestiques apprirent par des fuyards de Brou que les Prussiens n’y étaient pas encore entrés à huit heures.

On jetait à l’eau les munitions qu’on n’avait pu enlever faute de moyens de transport.

Le lendemain, notre route était couverte de mobiles fuyant du côté de Bonneval, exténués de fatigue et de faim. Nous avons commencé par porter jusqu’à la grille du parc un seau de cidre et un panier à deux anses rempli de morceaux de pain ; cela a été bien vite enlevé ; nous avons renouvelé le cidre, mais non le pain de peur d’en manquer nous-mêmes ; de sorte que, n’y pouvant plus rien, nous sommes tristement rentrés chez nous.

Il était quatre heures ; j’étais près de la fenêtre, tandis qu’Adolphe allait et venait dehors malgré le temps affreux, quand je vis arriver deux éclaireurs prussiens, habit bleu clair, pistolet au poing, regardant de tous côtés. M. B… voulut bien descendre avec moi ; nous trouvons devant nous, en arrivant sur le perron, un officier et vingt à vingt-quatre hommes. Il fallait faire bonne contenance. L’officier salua et nous demanda le nom du château, le nom du propriétaire et son titre ; tout cela par écrit. Je le lui griffonnai