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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

sieurs affaires à régler, s’en alla à Brou, et, plutôt que de le voir s’y aventurer seul, je fis contre fortune bon cœur et l’y accompagnai. La première personne de connaissance que nous rencontrâmes fut le notaire, il nous apprit que l’on s’était battu l’avant-veille à Condé, que Nogent même était occupé par l’ennemi et que les avant-gardes prussiennes pouvaient paraître d’un instant à l’autre. Je supplie Adolphe de faire retourner la voiture ; avant que le cocher en ait eu le temps, une compagnie de nos mobiles arrive en pleine déroute, mais avec armes, bagages, charrettes, etc… Force nous fut de rester où nous étions et d’assister à ce triste défilé. Les visages des mobiles n’exprimaient guère que la fatigue et la préoccupation de marcher vite ; ceux des gens de la ville, un ébahissement colossal.

Au milieu de la foule nous apercevons M. B… Il fend la presse et nous rejoint : « Les Prussiens seront ici dans une heure, nous dit-il, voulez-vous m’emmener ? Donnez-moi seulement une minute pour prendre chez moi un peu d’argent. »

Nous suivons la queue des mobiles jusqu’à sa porte, il jette pêle-mêle quelques effets dans mon manteau sans prendre le temps d’en faire un paquet, et nous parlons au galop. Nous n’arrêtons qu’au pont de l’Ozanne, afin de donner des nouvelles au poste qui le gardait. C’étaient des mobilisés. Le capitaine, un ancien zouave, ne voulait pas croire que les