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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

d’avoir fait de si grandes choses. Savaient-ils le jour de leurs dix ans ce qu’il en adviendrait d’eux-mêmes ? À côté de ceux-là qui n’étaient que des chevaliers, tu as vu un grand nombre d’hommes qui parce qu’ils étaient des savants, des navigateurs, des écrivains, ont fait la patrie plus prospère ou plus grande, ou bien ont instruit ou charmé leur génération qui est devenue meilleure et plus heureuse. Eh bien, il faut que tu sois, dans un genre ou dans l’autre, un serviteur de ton peuple et de ta patrie.

Si l’un de tes frères était tué dans cette horrible guerre, ne te sentirais-tu pas un immense désir de nous consoler ta mère et moi, et de nous remplacer en quelque façon ce fils perdu ? Songe, mon cher petit, que la France est une pauvre mère bien triste à l’heure qu’il est. Beaucoup de ses fils sont morts, encore plus prisonniers ; l’héritage des autres est aux mains de l’ennemi ; privée de ceux qui la pouvaient défendre, il lui faut subir tous les outrages… Pense à elle, aime-la dès à présent, travaille pour elle, prépare-lui un fils qui la console. Ne va pas t’imaginer que ton papa cherche à te donner de l’orgueil en te montrant un si grand avenir. Oh ! mais non ! Ton papa, qui ne croit pas que les hommes sachent faire le vrai bien sans l’aide de Dieu, ne croit pas davantage que les petits garçons soient capables de bonnes et grandes choses à eux tout seuls ; mais il recommande son cher troisième garçon à Celui de qui