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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

moins servi nos ennemis qu’ils ne l’espéraient, elle a mêlé une nuance de révolte à la résistance.

Les forts ne tonnent plus. Aux avant-postes, chacun se départit peu à peu de sa réserve de belligérant, oh attend l’annonce de l’armistice. En somme, l’énergie est maintenant à bout. La chute de Metz pèse sur nous. Son malheur joint au silence de la province a tué ici l’esprit guerrier. On se sent condamné, on se dit qu’il est inutile et par conséquent criminel de prolonger la lutte, puisque les armées de province ne sont pas en état d’y prendre part. On prête ce mot au général Trochu : La défense de Paris ne peut être qu’une héroïque folie. — Je ne sais jusqu’à quel point il est authentique, mais il n’en est pas moins vrai que cette déclaration, médiocrement heureuse de la part du commandant en chef de cette même défense, a pris maintenant toutes les proportions d’une prophétie.

En attendant, le froid augmente et le combustible est hors de prix, les souffrances de la population en sont fortement aggravées. Il faudra penser à ces pauvres ménages, à ces femmes héroïques, à cette moisson d’enfants qu’il s’agit d’arrêter, pour se consoler de prononcer, en signant la paix, l’acceptation de la défaite. Si découragée que fût la lutte, le dernier mot n’était pas dit tant qu’elle durait ; c’est pourquoi le cœur se serre, et entre deux douleurs ne sait laquelle préférer.