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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Pendant ce temps, les voitures avaient obéi à l’ordre donné et pris la traverse ; la dernière carriole seule restait encore, son conducteur causait avec B…, mon lieutenant, à vingt pas du faisceau de chassepots que je gardais. Ce conducteur était un homme âgé, en blouse, figure ouverte, menton rasé. Il fouetta enfin son cheval harassé et passant près de moi, il l’arrêta de nouveau et me cria : « C’est donc vous qu’êtes M. André ? — Je suis un André, répliquai-je, reste à savoir si je suis celui qu’il vous faut. — L’homme descendit. « Je m’appelle Joseph Barbier ; vous devez connaître cela. J’ai été vingt ans cocher chez votre grand-père à cette fin que c’est même moi qui ai conduit la voiture à l’église le jour que votre maman s’est mariée. Depuis ce temps-là, je suis fermier de votre tante de Thieulin et c’est elle qui m’envoie après vous. » Il me remit alors ce billet que je vous copie, pour que nous soyons reconnaissants ensemble :

« J’apprends que Joseph Barbier, un vieux serviteur de la famille, veut suivre, autant que faire se pourra, son fils unique, mobile dans un des bataillons du Loir-et-Cher. Je lui donne ton adresse, use de lui, compte sur lui. Il a mille petites choses qui pourraient servir en cas d’accident ; surtout il a son brave cœur qui te sera dévoué, cher enfant, pour l’amour de ta mère. Elle et nous tous serons un peu soulagés de notre inquiétude à ton sujet en sachant que quelqu’un