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Un Vaincu.

bien des marches, en bien des batailles, et maintenant elles ne préservaient plus le pied des aspérités du sol durci par la gelée.

Les lignes offraient un singulier aspect ; depuis longtemps il n’était plus question d’uniformité dans l’habillement, et tout ce qui pouvait vêtir était employé. Les accoutrements les plus étranges n’excitaient plus la surprise, mais il y en avait de bien faits pour émouvoir la compassion. Souvent on vit des sentinelles monter leur garde à demi vêtues. Tel malheureux, pourvu d’un pantalon, devait remplacer la jaquette par un tartan roulé ; tel autre possédait la jaquette, mais il n’avait aux jambes qu’un pauvre caleçon de toile[1].

Il y avait alors peu de mois qu’un ouvrage de Victor Hugo, les Misérables, avait paru en France. On venait de le traduire, et des affiches monstres en avaient répandu le titre sur les murs de Pétersburg. Les pauvres soldats sudistes adoptèrent pour eux-mêmes ce nom de « Misérables, » et en adoucirent l’amertume en lui as-

  1. Historique.