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l’académie française sous l’ancien régime.

On pense bien que cette satisfaction que l’Académie se donna de punir l’un de ses ennemis n’a pas désarmé les autres, et, par malheur, c’étaient les railleurs les plus redoutés de l’époque, Piron, Linguet, Fréron, Palissot, Rivarol. Dans ce siècle où l’on se moque de tout, l’Académie devient un sujet ordinaire de plaisanteries. Elle ne peut rien faire qu’on ne la tourne en ridicule. On blâme les sujets de prix qu’elle propose ; quand le prix est donné et qu’on réunit le public, à la Saint-Louis, pour lire l’ouvrage couronné, on ne manque pas de déclarer qu’il est pitoyable. On discute le mérite des candidats qui demandent les places vacantes, et, quand elle a fait son choix entre eux, on trouve toujours qu’elle a pris le plus médiocre. Ce qui cause quelque surprise, c’est que, malgré les railleries dont on la poursuit, elle ne paraît rien perdre de son importance. Les jeunes gens qui se croient ou se supposent quelque talent se jettent sur les prix qu’elle décerne. On regarde une couronne académique comme le début naturel d’une carrière d’homme de lettres ; et quelquefois même il se trouve, parmi les concurrents, des personnes d’âge et de réputation. Necker, un banquier opulent, un économiste renommé, est couronné pour