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l’académie française sous l’ancien régime.

Bignon parla le premier : sa harangue ne sortait pas du cadre ordinaire des discours de ce genre. Il n’en fut pas de même de celle de La Bruyère, qui réservait à ses confrères et au public une grande surprise.

Ceux qui ont connu de près La Bruyère nous le dépeignent comme une sorte de rêveur, un personnage taciturne, empêtré, inégal, agissant par boutades, qui ne disait rien ou parlait trop ; en réalité, c’était un de ces hommes chez qui le dehors et le dedans s’accordent mal ensemble et se gênent l’un l’autre, qui sont timides d’apparence avec un grand fonds d’audace, et qui, lorsqu’ils ont pu se vaincre et triompher de leur embarras extérieur, vont plus loin que tout le monde, comme pour se dédommager. Les discours académiques, comme on avait l’habitude de les faire, lui semblaient sans doute ridicules, et il est bien certain que nous avons grand’peine à comprendre comment une société si spirituelle, si