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l’académie française sous l’ancien régime.

L’Académie surtout ne pouvait pas leur être contraire, elle qui avait été créée précisément pour aider à cette émancipation, et qui, dès le début, on s’en souvient, proclamait que « la langue française devait succéder à la latine, comme la latine à la grecque ». Mais ceux qui annonçaient tout haut que les anciens auraient des successeurs qui les égaleraient ou les surpasseraient peut-être, laissaient entendre tout bas que ces successeurs avaient déjà paru, et que c’étaient eux et leurs amis. Desmarets ne se gênait pas pour dire que les Français ont beaucoup plus de talent et d’invention que n’en eurent jamais Homère et Virgile, et mettait sans façon le Clovis au-dessus de l’Enéide. Voilà ce qui exaspérait les gens d’esprit qui avaient étudié l’antiquité et qui la comprenaient. Tant d’impertinence unie à tant de médiocrité les mettait hors d’eux-mêmes. La lutte de principe se changeait donc en querelle de personnes, et c’est ce qui la rendait si violente. Ce qui ajoute à la confusion, c’est qu’aucun des combattants ne paraît être véritablement à sa phice et dans le parti qui lui convenait le mieux : ceux qui se flattaient de détrôner les anciens étaient les écrivains les plus médiocres, tandis