Page:Boissier - L’Académie française sous l’ancien régime, 1909.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
l’académie française au XVIIe siècle.

tecteurs. La Bruyère, qui n’avait pas l’humeur pacifique, répondait parfois à leurs attaques par des injures cruelles. « En vérité, dit-il quelque part, je ne doute pas que le public ne soit étourdi et fatigué d’entendre de vieux corbeaux croasser autour de ceux qui, d’un vol libre et d’une plume légère, se sont élevés à la gloire par leurs écrits. » Ces vieux corbeaux étaient les survivants de l’Académie de Richelieu, qui venaient de faire de si grands efforts pour en écarter Boileau. On pense bien qu’ils n’étaient pas disposés à en ouvrir les portes à ses amis.

Ajoutons qu’on était au plus fort de la lutte des anciens et des modernes, qui jetait des causes nouvelles de division parmi les gens de lettres. Jamais querelle ne fut plus féconde en sous-entendus et en malentendus. Si les partisans des modernes s’étaient bornés à prétendre qu’en principe nous ne sommes pas condamnés à une infériorité nécessaire, que nos langues et nos littératures ont le droit de s’émanciper de l’imitation servile de l’antiquité, que ce n’est pas un crime de soupçonner qu’en l’admirant et en l’imitant, nous pourrons aller un jour plus loin qu’elle, je crois qu’il n’aurait pas été facile de leur répondre.