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l’académie française sous l’ancien régime.

d’Avranches, Huet, Segrais, Perrault, Thomas Corneille et Fontenelle. Les amis de La Bruyère, Bossuet surtout, qui avait pour lui une très vive affection, pensaient avec raison qu’il était digne de figurer dans ce bel ensemble. Ils le poussèrent à se mettre sur les rangs et ils travaillèrent de toute leur force au succès de sa candidature.

Ce fut une grande bataille. Il est probable que, s’il n’avait rien écrit, il aurait réussi du premier coup ; les précepteurs des princes, comme était La Bruyère, arrivaient tout droit à l’Académie. Mais il venait de publier les Caractères, et cet ouvrage qui, à notre sens, aurait dû lui en ouvrir les portes toutes grandes, était précisément ce qui risquait de les lui fermer. Tout le monde le lisait avec passion ; — il fallut en faire, en six mois, deux éditions à Paris et deux en province. — Mais presque personne n’osait en dire du bien. Ceux qui s’y croyaient désignés le déchiraient ; les autres affectaient d’en paraître scandalisés. Aux ennemis que son livre lui avait faits, il faut joindre ceux qui lui venaient de ses illustres amitiés. Boileau et Racine étaient ses patrons, et naturellement les gens qui ne pouvaient pas les souffrir s’en prenaient au protégé pour atteindre les pro-