Page:Boissier - L’Académie française sous l’ancien régime, 1909.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
l’académie française sous l’ancien régime.

que Furetière a le dessein de recueillir et d’expliquer. Assurément, s’il les avait pris seuls, l’Académie n’aurait pas eu à se plaindre[1]. En réalité son ouvrage est un dictionnaire universel, plus étendu que celui de l’Académie, puisqu’il contient les termes techniques qu’elle a laissés de côté, mais qui renferme aussi les autres, c’est-à-dire qui, pour toute une partie et la principale, fait une concurrence directe et ouverte à l’ouvrage que l’Académie préparait depuis si longtemps. Furetière le sentait bien ; ce qui le montre, c’est le soin qu’il prit de se cacher. Il ne laissa rien transpirer dans le public de cette immense entreprise à laquelle, pendant tant d’années, il consacra, dit-il, treize heures par jour. Un moment vint pourtant où il fut bien forcé de tout découvrir, quand il s’agit d’obtenir un privilège pour l’impression de son livre. Celui qui devait l’examiner était précisément son confrère Charpentier. Furetière savait par où on pouvait le prendre. Il lui donna un très bon dîner, avec de l’excellent vin, « dont il but excessivement » ; puis, au dessert,

  1. Ce qui le prouve, c’est qu’elle encouragea Thomas Corneille à le faire et qu’il publia un Dictionnaire des arts et des sciences qui fut regardé comme un supplément au dictionnaire de l’Académie