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l’académie française sous l’ancien régime.

comparaison juge plus finement des choses que tout le savoir enrouillé des pédants. » Vaugelas, du premier coup, avait deviné tout ce que dit ici Molière. Il connaissait très bien la cour ; ses fonctions l’y attachaient, et un goût particulier l’attirait vers elle. Il y avait vécu trente-cinq ou quarante ans de suite. Observateur de nature, grammairien de passion, il s’était vite aperçu que les gens de son temps parlaient beaucoup mieux qu’ils n’écrivaient. Il n’en était ni surpris, ni choqué, « car enfin la parole qui se prononce est la première en ordre et en dignité, puisque celle qui est écrite n’est que son image, comme l’autre est l’image de la pensée ». Il trouva donc un grand plaisir et un grand profit à entendre les courtisans parler. Il remarqua que ceux mêmes dont l’éducation avait été très négligée, ces seigneurs que la guerre réclamait dès l’âge de douze ou treize ans, ces grandes dames que l’on instruisait surtout, dans les couvents, à prier Dieu et à se présenter avec grâce, apprenaient très vite, en vivant à la cour, ce qu’on ne leur avait pas enseigné. La fréquentation des personnes distinguées, l’usage du monde, l’habitude des conversations délicates développaient la finesse de leur esprit et leur