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l’académie française au XVIIe siècle.

de vivre et de s’exprimer. Il y a la langue du palais, celle de l’église, celle de l’université, et bien d’autres encore. Entre toutes, Vaugelas choisit sans hésiter la langue de la cour. Ce choix devait paraître singulier à beaucoup de monde ; la cour n’avait pas conquis encore, pour les choses de l’esprit et du bon goût, cette prédominance qui lui a été plus tard attribuée. Les savants, les lettrés, les poètes, dont on écoutait la parole avec respect, dont on applaudissait les bons mots et les vers, à l’hôtel de Rambouillet ou dans les salons qui s’étaient formés sur ce modèle, traitaient fort mal d’ordinaire les gens qui fréquentaient la cour. Trente ans après, Molière est encore obligé de les défendre contre ceux qui ne leur pardonnaient pas d’avoir eu la sottise d’applaudir l’École des Femmes. « Sachez, disait-il, qu’ils ont d’aussi bons yeux que d’autres ; qu’on peut être habile avec un point de Venise et des plumes aussi bien qu’avec une perruque courte et un petit rabat uni ; que la grande épreuve de toutes vos comédies, c’est le jugement de la cour ; qu’il n’y a point de lieu où les décisions soient si justes, et que, du simple bon sens naturel et du commerce de tout le beau monde, on s’y fait une manière d’esprit, qui sans