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l’académie française au XVIIe siècle.


IV

Le dictionnaire est le premier travail que la compagnie ait entrepris, et elle n’y a jamais renoncé. Pellisson rapporte que, dans la séance du 20 mars 1634, avant qu’elle fût régulièrement constituée, comme on se demandait ce qu’on ferait, Chapelain fut d’avis que l’on composât tout d’abord « un ample dictionnaire », et que cette proposition fut acceptée de tout le monde[1]

Rien n’était plus naturel. À ce moment s’éveillait chez nous un grand orgueil national ; on avait le pressentiment de la place que la France allait prendre dans le monde, et l’on comptait qu’elle y serait puissante par les lettres comme par les armes. La première fois que l’Académie prit la parole, elle exprima la pensée que « notre langue, plus parfaite déjà que pas une des autres vivantes, pouvait bien succéder à la latine, comme la latine à la grecque ». Cette espérance devait paraître alors fort téméraire. Il n’y avait pas longtemps que les langues modernes s’étaient émancipées de

  1. Pellisson, ouvr. cit., éd. Livet, I, p.28 et 102.