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l’académie française sous l’ancien régime.

que comme un divertissement agréable, en France elle tendait à devenir une sorte de pouvoir public. En 1775, lorsqu’il prit possession de son siège à l’Académie française, Malesherbes disait : « Dans un siècle où chaque citoyen peut parlera la nation entière par la voie de l’impression, ceux qui ont le talent d’instruire les hommes ou le don de les émouvoir, les gens de lettres, en un mot, sont au milieu du public dispersé ce qu’étaient les orateurs de Rome et d’Athènes au milieu du peuple assemblé. » Ces paroles, qui furent accueillies par des applaudissements frénétiques, exprimaient à merveille le rôle qu’avait joué la littérature pendant tout le siècle. Ne peut-on pas dire que c’est Richelieu, qui, sans le vouloir peut-être, l’a mise dans la voie qu’elle devait suivre ? Les choses ont souvent des conséquences bien différentes de celles qu’on prévoyait. On pouvait craindre, quand Richelieu demandait à l’Académie de se réunir « sous une autorité publique », qu’il ne voulût mettre la littérature dans sa dépendance. C’est tout à fait le contraire qui est arrivé. En lui attribuant une place dans l’Etat, en la faisant ainsi profiter du prestige du pouvoir souverain, il l’a relevée à ses yeux et aux yeux du public, il