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des plus belles provinces de l’empire, la Gaule cisalpine. Vers le même temps, on apprit la défaite de l’armée républicaine à Thapsus et la mort de Caton. Brutus en fut sans doute fort attristé. Il écrivit lui-même et fit composer par Cicéron l’éloge de son oncle ; mais on sait par Plutarque qu’il le blâmait de s’être soustrait à la clémence de César. Quand Marcellus, qui venait d’obtenir son pardon, fut assassiné près d’Athènes, quelques personnes affectèrent de croire et de dire que César pouvait bien être complice de ce crime. Brutus s’empressa d’écrire, avec une chaleur qui surprit Cicéron, pour le disculper. Il était donc alors tout à fait sous le charme de César. Ajoutons qu’il avait pris dans le camp de Pompée l’horreur des guerres civiles. Elles lui avaient enlevé quelques-uns de ses amis les plus chers, par exemple Torquatus et Triarius, deux jeunes gens de grand avenir dont il regretta amèrement la perte. En songeant aux désordres qu’elles avaient causés, aux victimes qu’elles avaient faites, il disait sans doute avec le philosophe Favonius, son ami : « Il vaut encore mieux souffrir un pouvoir arbitraire que de ranimer des guerres impies[1]. » Comment donc s’est-il laissé entraîner à les recommencer ? Par quelle conspiration savante ses amis sont-ils parvenus à vaincre ses répugnances, à l’armer contre un homme qu’il aimait, à l’engager dans une entreprise qui devait bouleverser le monde ? C’est ce qui mérite d’être raconté, et les lettres de Cicéron permettent de l’entrevoir.

  1. Plutarque, Brutus, 12.