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était habilement servi pour épouvanter le sénat et faire régner la terreur sur le forum. Sous prétexte d’honorer les dieux lares de chaque carrefour, il s’était formé des associations de quartier (collegia compitalicia) qui contenaient des citoyens pauvres et des esclaves. Religieuses d’abord, ces sociétés étaient bientôt devenues politiques. À l’époque de Clodius, elles formaient une sorte d’armée régulière de la démocratie, et jouaient le même rôle dans les émeutes de Rome que chez nous les sections en 93. À côté de ces associations permanentes, et sur le même modèle, il s’en formait de temporaires toutes les fois qu’avait lieu quelque grande élection. On enrôlait les gens par quartier, on les divisait en décuries et en centuries, on leur choisissait des chefs qui les menaient voter militairement, et, comme en général ce n’était pas pour rien que le peuple donnait son suffrage, on désignait par avance un personnage important, nommé sequester, entre les mains duquel on déposait la somme que promettait le candidat, et des distributeurs (divisores) chargés, après le vote, de la répartir entre chaque tribu. Voilà comment s’exerçait à Rome le suffrage universel à la fin de la république, et de quelle façon cette race, naturellement amie de la discipline, était parvenue à discipliner le désordre. César, qui s’était souvent servi de ces associations secrètes, qui avait dirigé par elles les élections et dominé les délibérations du forum, ne voulut plus les souffrir quand il n’en eut plus besoin. Il pensa qu’un gouvernement régulier ne subsisterait pas longtemps, s’il laissait fonctionner auprès de lui ce gouvernement occulte. Il ne recula donc pas devant des mesures sévères pour se débarrasser de ce désordre organisé. Au grand scandale de ses amis, il supprima d’un seul coup toutes les sociétés politiques, ne laissant exister que les plus anciennes, qui n’offraient pas de danger.