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de César par les moyens ordinaires qu’il prenait pour le recruter. On ne voit pas que lorsqu’il voulait gagner quelqu’un à sa cause, il ait perdu son temps à lui démontrer les défauts du gouvernement ancien et les mérites de celui qu’il voulait mettre à sa place. Il employait des arguments plus simples et plus sûrs : il payait. C’était bien connaître les hommes de son temps, et il ne se trompait pas en pensant que, dans une société toute livrée au luxe et aux plaisirs, les croyances affaiblies ne laissaient plus de place qu’aux intérêts. Il organisa donc sans scrupule un vaste système de corruption. La Gaule lui en fournit les moyens. Il la pilla aussi vigoureusement qu’il l’avait vaincue, « s’emparant, dit Suétone, de tout ce qu’il trouvait dans les temples des dieux, et prenant les villes d’assaut, moins pour les punir que pour avoir un prétexte de les dépouiller[1]. » C’est avec cet argent qu’il se faisait des partisans. Ceux qui venaient le voir ne s’en allaient jamais les mains vides. Il ne négligeait même pas de faire, des présents aux esclaves et aux affranchis qui avaient quelque influence sur leurs maîtres. Pendant qu’il était absent de Rome, l’habile Espagnol Balbus et le banquier Oppius, qui étaient ses hommes d’affaires, distribuaient des largesses en son nom : ils venaient discrètement au secours des sénateurs embarrassés ; ils se faisaient les trésoriers des jeunes gens de grande famille qui avaient épuisé les ressources paternelles. Ils prêtaient sans intérêt, mais on savait bien par quels services il faudrait un jour se libérer. C’est ainsi qu’ils achetèrent Curion, qui se fit payer très cher : il avait plus de 60 millions de sesterces de dettes (42 millions de francs). Cælius et Dolabella, qui n’étaient guère mieux dans leurs affaires, furent probablement conquis par les mêmes moyens. Jamais

  1. Suétone, César, 54.