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publique, c’est qu’on y voit de plus près les événements et les hommes, qu’on y peut faire des réflexions piquantes et qu’on y trouve des spectacles amusants. Lorsqu’il annonce à Cicéron, avec une perspicacité remarquable, la guerre civile qui s’approche et les malheurs qui vont arriver, il ajoute : « Si vous ne couriez pas quelques dangers, je dirais que la fortune vous prépare un grand et curieux spectacle[1]. » Mot cruel, que Cælius a durement payé dans la suite, car ce n’est pas sans péril que l’on joue à ces jeux sanglants, et l’on devient souvent victime quand on pensait n’être que spectateur.

Lorsque cette guerre, qu’il annonçait ainsi à Cicéron, fut sur le point d’éclater, Cælius venait d’être nommé édile, et sa, grande préoccupation était d’avoir des panthères de Cilicie pour les jeux qu’il voulait donner au peuple. En ce moment, après avoir plus ou moins séjourné dans tous les partis, il faisait profession de défendre la cause du sénat, c’est-à-dire qu’en parlant des sénateurs il disait « nos amis » et qu’il affectait de les appeler les « bons citoyens ; » ce qui ne l’empêchait pas, selon son habitude, d’avoir les yeux ouverts sur les fautes que pouvaient commettre les bons citoyens et de railler amèrement ses amis, quand l’occasion s’en présentait. Cicéron le trouvait froid et indécis ; il aurait voulu le voir s’engager davantage. Au moment de son départ pour la Cilicie, il ne cessait de lui vanter les grandes qualités de Pompée : « Croyez-moi, lui disait-il, livrez-vous à ce grand homme, il vous accueillera volontiers[2]. » Mais Cælius se gardait bien d’en rien faire. Il connaissait Pompée, dont il a tracé à plusieurs reprises des portraits piquants ; il l’admirait peu et ne l’aimait pas. S’il s’était tenu loin de lui au temps de sa plus grande puissance, ce n’était pas, on le comprend, pour se jeter dans ses

  1. Ad fam., VIII, 14.
  2. Ad fam., II, 8.